La Bête Hombrée (Berrichonne)
En 2007 et 2008, j’ai produit une série d’articles à propos de la Bête Hombrée, dans une variante familiale que j’ai appelée la Bête Hombrée Berrichonne.
À l’heure où les jeux de plis sont revenus à la mode et se multiplient, la Bête Hombrée est un jeu à redécouvrir !
À l’occasion de l’ouverture de ce nouveau Blog, je reproduit ci-dessous cette série d’articles.
La règle telle que publiée dans Jeux & Stratégie numéro 29 (octobre 1984)
L'Hombre apparut en Espagne vers la fin du XVI" siècle. Introduit en France sous le règne d'Henri IV, il fit fureur pendant tout le XVIII" siècle. Des variantes virent le jour, comme la Bête Hombrée, qui fut pratiquée pendant tout le XVIII" siècle. Au XIX" siècle ce jeu survivait dans quelques provinces, la Bourgogne et le Berry. Aujourd'hui, détrôné par le bridge, on n'y joue plus que dans quelques familles où la tradition s'est conservée. Il s'agit pourtant d'un jeu intéressant, qui mérite d'être sorti de l'oubli.
La Bête Hombrée se joue de trois à cinq joueurs. Nous décrirons la variante qui réunit quatre joueurs. On se sert d'un jeu de 32 cartes, dont on retire les 7 et les 8.
L'ordre des cartes, de la plus forte à la plus faible est, dans chaque couleur: R, D, V, A, 10, 9. Une couleur, appelée la belle, prime les autres en matière d'enchères. Après les enchères, un atout est fixé par le demandeur et, au cours du jeu de la carte, une carte d'atout est plus forte qu'une carte d'une autre couleur.
La Bête Hombrée est un jeu d'argent. En famille, on jouait aux sous au début du siècle, en francs avant-guerre. Dans ce qui suit, nous parlerons de jetons.
On enchérit, on distribue et l'on joue dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.
Au commencement d'une partie, un joueur quelconque fait couper. Il prend le jeu, brûle la première carte (c'est-à-dire la pose sur la table, face cachée) et donne successivement une carte, face visible, à chaque joueur, jusqu'à ce qu'apparaisse un roi. Cette opération s'appelle tirer le roi et sert à désigner le joueur qui fera la première donne.
La couleur du roi retourné détermine la couleur de la belle. On retire alors le 9 de cette couleur, mis en évidence sur la table, le paquet de cartes restant n'ayant plus que 23 cartes.
Un coup comprend six phases successives : la donne, les enchères, le choix de l'atout, le jeu de la carte, la sanction et, éventuellement, le changement de belle.
La donne
Le donneur bat et fait couper par son voisin de gauche. Il distribue deux cartes à chacun, puis trois cartes. Il reste trois cartes qu'il dépose, faces cachées, à sa droite. C'est le cagnot.
Les enchères
Chaque joueur va alors regarder son jeu et, en commençant par le joueur situé à droite du donneur, soit passer, soit annoncer deux, trois, quatre ou cinq levées à faire, sans préciser l'atout. Le joueur suivant un joueur ayant annoncé un certain nombre de levées peut surenchérir, en annonçant un nombre plus élevé de levées. Toutefois, une annonce faite en belle peut être faite à un nombre de levées égal à celui de l'annonce précédente. A titre d'exemple, on peut avoir les annonces successives suivantes: deux levées, trois levées, trois levées en belle. Le nombre demandé en belle est dit dernier.
Un joueur peut également demander un nombre de levées égal au précédent, dans une autre couleur que la belle, à condition de se trouver avant le dernier annonceur dans le tour du jeu. Le nombre demandé de cette façon est dit premier.
Voyons cela sur un exemple, en appelant Sud, Est, Nord et Ouest les quatre joueurs. Sud donne. Est passe. Nord demande deux levées. Ouest demande trois levées. Sud passe. Est passe. Lorsque la parole lui revient, Nord peut demander trois levées, même si son atout n'est pas la couleur de la belle.
Le donneur bénéficie de deux privilèges interdits aux autres joueurs. Il peut annoncer normalement mais aussi dire, soit « je cagnotte », soit « je prends le tout ».
S'il cagnotte, il doit formuler une enchère supérieure à celle de l'annonceur précédent. Si cette enchère est la plus élevée, le donneur peut écarter une, deux ou trois cartes de sa main, sans avoir regardé les cartes du cagnot. Il remplace alors les cartes écartées par des cartes du cagnot. Il précise l'atout et le nombre de levées, donc supérieur à celui de l'annonce précédente, ou égal si la couleur d'atout est la belle.
Si le donneur prend le tout, il s'engage à faire tous les plis. Il a alors le droit de prendre les trois cartes du cagnot, de les regarder et d'écarter ensuite les cartes qui ne lui conviennent pas.
Le choix de l'atout
Une fois les enchères terminées, le demandeur peut annoncer trois, quatre ou cinq matadors. Cela signifie que le demandeur possède R, D, V d'atout (trois matadors); R, D, V, A d'atout (quatre matadors) ou R, D, V, A, 10 d'atout (cinq matadors).
Enfin le demandeur fixe l'atout. Dans le cas où l'enchère a été faite en belle, l'atout est obligatoirement la belle.
Le jeu de la carte
Les trois autres joueurs se liguent pour tenter d'empêcher le demandeur de faire son contrat. Le joueur à droite du donneur pose la première carte. On est obligé de fournir à la couleur demandée et de monter si on le peut. On est obligé de couper, de surcouper et de pisser (sous-couper). La plus forte carte d'un pli l’emporte. Le joueur venant de faire pli joue la première carte du pli suivant.
La sanction
Lorsque les cinq plis sont joués, on passe à la marque, qui comprend le compte des bêtes au règlement. Lorsque le demandeur ne réalise pas son contrat. on lui marque une bête (on dit qu'il met une bête). Une bête représente un certain nombre de points. lorsqu'aucune bête n'a encore été marquée, le montant de la première bête est égal à quatre fois le montant de la pénalité payée par le perdant à chacun des autres joueurs. Lorsqu'une ou plusieurs bêtes sont déjà marquées, le montant de la nouvelle bête est égal au total du montant de la première bête non barrée et de quatre fois le montant de la pénalité payée par le perdant à chacun des autres joueurs. Les bêtes sont donc inscrites dans l’ordre chronologique, en écrivant le nom du joueur et le montant de la bête.
On passe ensuite au règlement. Lorsque le demandeur a réalisé son contrat, chacun des joueurs lui donne un nombre de jetons égal au nombre de levées demandées, le cas échéant majoré du nombre de matadors. Ce nombre est doublé lorsque la demande est faite en Belle. Il est également doublé lorsque la demande consistait à faire tous les plis. Il est quadruplé lorsque la demande consistait à faire tous les plis en belle.
En outre, le demandeur se voit payer le montant de la première bête non barrée par le joueur à qui elle appartient. Une fois ce montant réglé, la bête correspondante est barrée.
Si la première bête non barrée appartient au demandeur, la bête est purement et simplement barrée. Si le demandeur n'a pas réalisé son contrat, d'une part, il marque une bête, d'autre part, il règle à chaque joueur le montant précédemment défini (le nombre de levées demandées, auquel s'ajoute le cas échéant le nombre de matadors, le tout éventuellement doublé ou quadruplé).
Le changement de belle
Lorsqu'un joueur annonce des matadors, la couleur d'atout choisie par lui devient la nouvelle belle. Le 9 de cette nouvelle couleur est substitué au 9 de l'ancienne belle.
Quelques compléments
Lorsqu'un joueur annonce une simple demande (c'est-à-dire, demande à faire deux levées seulement), on considère qu'il fait son contrat sous la double condition suivante. Il faut en premier lieu qu'il réalise ses deux plis avant qu'un autre joueur ait fait lui-même deux plis. En second lieu, s'il fait ses deux plis, il ne faut pas qu'un autre joueur fasse les trois autres plis. Par contre, si l'un des autres joueurs fait deux plis avant lui, le demandeur sera déclaré gagnant si lui-même fait trois plis.
Le joueur placé à la droite du donneur a la possibilité de formuler une demande de principe avant de consulter son jeu. Il dit alors «sans préjudice», ce qui équivaut à une simple demande, mais en se réservant la possibilité de faire une autre enchère, soit au premier tour après avoir consulté son jeu, soit au second tour lorsque la parole lui revient.
Dans les mêmes conditions, le joueur placé après le joueur ayant fait une demande sans préjudice peut dire «je retiens», ce qui l'engage à réaliser deux levées en belle ou trois levées à une autre couleur d'atout.
Lorsque tous les joueurs passent, chaque joueur met deux jetons sur le tapis, et l'on inscrit une pinandèle de 8 à la suite des bêtes. Cette pinandèle est ramassée par le premier joueur qui gagne une bête.
On peut convenir d'arrêter la partie lorsque toutes les bêtes sont barrées. Dans ce cas, on fait le tour des gueux, c'est-à-dire qu'on fait encore un tour de façon que le joueur qui a donné en premier donne encore une fois, mais pas deux. La dernière donne sera faite par le joueur placé à sa gauche, à moins qu'une ou plusieurs bêtes soient inscrites entre temps. Si l'on décide d'arrêter la partie alors qu'il reste des bêtes non barrées, on les reporte pour la prochaine partie.
Les règles de cette variante du jeu de l’Hombre sont encore (étaient encore récemment) pratiquées dans ma famille
Les commentaires reçus après ce premier article et sa diffusion sur différents sites spécialisés en jeu de cartes
Philippe du site de l’académie des jeux oubliés m'a apporté quelques précisions : j’ai lu la règle sur votre blog, elle apparait comme une complication de celle que l’on peut trouver dans les différents ouvrages sur les jeux du XIXe siècle.
Voilà ce que j’ai pu constater :
1. l’ordre des cartes, le nombre de cartes distribuées, et le jeu de la carte correspondent à la Triomphe ou à l’Ecarté et non à l’Hombre (loin de là) ;
2. la « belle » correspond à la couleur favorite du Médiateur (jeu issu du Quadrille ou Hombre à quatre) ;
3. le choix du premier donneur et de la première « belle » se fait selon la même procédure qu’au Médiateur ;
4. l’atout est fixé par celui qui propose le plus haut contrat comme au Médiateur (la couleur favorite l’emportant sur la couleur ordinaire) ;
5. les paiements en « belle » sont doublés comme au Médiateur ;
6. le principe de la bête est proche de ce qu’il était au XVIIe et XVIIIe siècles mais diffère dans le sens où la bête en jeu après que la première ait été tirée devrait être la plus forte et non la suivante ;
7. les enchères correspondent davantage à celles du Bridge (nombre de levées) ;
8. seul le donneur peut écarter contrairement à l’Hombre ;
9. les « matadors » sont annoncés contrairement au jeu de l’Hombre et sont comptés dans la bête encore contrairement à l’Hombre.
Il s’agit donc plutôt que d'un descendant de l'Hombre, d’un jeu dont la base est la Triomphe auquel on a ajouté une petite pointe de jeu de l’Hombre (un contre tous, mais à l'Hombre un des tiers peut aussi tirer son épingle du jeu par codille), davantage du Médiateur et du Bridge (concernant la couleur favorite et les contrats). Le résultat ne doit pas manquer d'intérêt (à part le principe des bêtes). Seule vraiment, l'appellation "matador" évoque le jeu de l'Hombre, mais ils ne sont qu'une annonce et n'ont pas le pouvoir de l'espadille, la manille et la baste du jeu de l'Hombre.
Paul écrit : la Bête Hombré ne vient pas de l'Hombre, bien sûr, mais bien du simple jeu de la Bête (voir aussi ce lien) qui est, lui, une complication de la Triomphe. Le jeu est décrit dans le tome 2 de l'Académie universelle des Jeux de 1806.
Ce qui est amusant c'est qu'on voit bien comment le terrain se prépare pour accueillir la Belote qui balaiera tous ces jeux qualifiés de provinciaux à la fin du XIXe siècle. Ce qui est passionnant c'est qu'il ait subsisté au sein de la famille de Laurent. Dans la mienne, originaire de la même région, on ne pratiquait plus depuis des lustres que Belote, Manille et Barbu.
À noter dans la description de la Bête, cette possibilité : "aller à la curieuse". Si tout le monde passe, pour le prix d'un jeton, on retourne la "carte du fond", soit j'imagine celle du dessous du paquet ; cette carte désigne la nouvelle triomphe (le nouvel atout).
Je me pose la question du triomphe de la Belote : j'ai le sentiment que les jeux "à écrire" l'ont emporté au XXe siècle sur les jeux à jetons. Y aurait-il eu pénurie de jetons ? Ou bien est-ce une conséquence de la guerre de 14 qui aurait privilégié les jeux réclamant un matériel minimum ?
Et Philippe complète : la différence dans le jeu de la carte entre la Triomphe et la Bête, c'est uniquement qu'au premier on doit toujours fournir de l'atout (Triomphe) lorsqu'on n'a pas de la couleur demandée, tandis qu'au deuxième si l'on n'a pas de la couleur demandée qui a été coupée par un joueur, ne pouvant surcouper on n'est pas obligé de fournir de l'atout. Sinon tout est identique.
Les règles du jeu de la Bête précisent qu'il portaient aussi l'appellation de jeu de l'Homme.
La Bête, c'est quasiment la Triomphe + la nécessité d'un joueur s'engageant contre les autres (mais sans enchères) + le principe de la bête (dette du perdant)
La Bête Hombrée, c'est en majeure partie la Bête + engagement d'un joueur par un système d'enchères sur contrats (style de l'Hombre) + le paiement des "matadors" (inspiration de l'Hombre)
La Bête Hombrée décrite par Laurent, c'est la Bête Hombrée + la couleur favorite (inspiration du Médiateur) + un système de contrats (semblable au Bridge) : Bridge antérieur ou postérieur ?
La Belote qui est inspirée fortement notamment du Smoothjass hollandais (décrit dans le Salon des Jeux) était aussi jouée avec des jetons (j'ai vu pratiquer ça dans mon enfance). Autrement les jetons étaient utiles quand on jouait pour de l'argent et qu'en plus de la poule à gagner, il fallait procéder à des paiements entre les joueurs entrainant des décomptes (comme à l'hombre et aux membres de sa famille) par contre les bêtes étaient plus volontiers écrites sur une feuille de papier pour en tenir le registre.
Le papier et le crayon se prête mieux aux jeux où les points de cartes sont comptabilisés et cumulés d'un coup sur l'autre comme la Belote, qu'au jeux de levées avec enjeu et échanges entre joueurs. Et puis... le Poker utilise bien des jetons pour ces dernières raisons (on pourrait noter sur une feuille de papier les gains et pertes mais ce serait trop compliqué).
Philippe commente aussi les termes spécifiques de la Bête Hombrée Berrichonne : en lisant le chapitre "Compléments", je me suis dit que l'option sans préjudice du premier en cartes est à rapprocher du principe de la carre à la bouillotte (blind du Poker), et celle je retiens du joueur suivant à la surcarre de la bouillotte. Ce qui fait que cette version de la Bête Hombrée pourrait avoir fait des emprunts à la bouillotte en plus du Médiateur, de l'Hombre et du Bridge.
Pour ce qui est de la belle, cette appellation est aussi donnée au Boston à la couleur favorite. Dans L'Arbitre des jeux de Méry, 1847, il est dit que la belle au Boston est déterminée par la première retourne, alors qu'au Maryland (proche du Boston) elle est tirée au sort comme au Médiateur, et à cette version de la Bête Hombrée, au début de la partie. Au Maryland, comme au Médiateur, on parle de couleur favorite mais pas de belle (dixit Méry).
J'ai une question : quelle peut être la signification de pinandèle en dehors du jeu de la Bête Hombrée ?
Paul apporte son éclairage : connaissant l'esprit profondément poétique et délicat du Berrichon (en exemple ces vers célèbres : La belle de cheu nous / S'appelle Marguerite / La chaleur de seu genoux / Fait bouilir la marmite), j'ai bien peur qu'une pinandèle, soit une manière de queue ?
Attendons cependant l'avis de linguistes plus éclairés sur la question ?
La belle, ce ne serait aussi la préférence, au fait ?
Et Philippe poursuit : pour pinandèle, pourquoi pas effectivement une origine grivoise. J'ai trouvé aussi que pinatelle (c'est pas pinandèle, d'accord) était une ancienne petite monnaie.
La préférence, c'est bien la couleur favorite au Médiateur.
Cette règle de la Bête Hombrée me rend de plus en plus perplexe. Le nom donné au talon est cagnot, et seul celui qui fait jouer peut le prendre ; ce qui est dit cagnotter. Comme cagnotter est plus habituellement et familièrement utiliser pour dire ajouter de l'argent à une cagnotte, il est clair que dans la règle ce n'est pas le sens qu'on lui donne.
Même si je ne suis pas joueur de Tarot, je sais que le talon y est appelé le chien. Or un chien (l'animal) est appelé familièrement un cagne et un cagnot, c'est un petit chien. Alors cette Bête Hombrée, fait-elle aussi un emprunt au Tarot ?
Maintenant, si on lit Soumille (le Grand Trictrac, 2e édition, 1756), on peut y trouver cette remarque qu'au Quadrille (hombre à quatre) on a successivement ajouté, médiateur, couleur favorite (tout cela c'est le jeu du Médiateur) et ... petit-chien ! Bon, ça commence à faire beaucoup. Ce petit-chien au Médiateur est un mystère non résolu.
Il faut savoir : Laurent, c'est quoi cette règle ?
Et encore Philippe qui précise : pour ce qui est de la bête, il y a une différence importante entre la Bête Hombrée et le jeu de l'Hombre. Au premier, il n'y a pas de mise initiale sur les coups et la bête est en relation directe avec le montant lié au contrat, tandis qu'au jeu de l'Hombre les joueurs mettent des jetons en enjeu au début de chaque coup constituant ainsi une poule. A cette poule est ajoutée d'abord la première bête faite puis quand elle est tirée, avec la poule, on ajoute toujours la plus forte du moment, et elle y reste jusqu'à être tirée, et ainsi de suite en mettant toujours la plus forte jusqu'à épuisement des bêtes, puis on recommence la procédure par la première bête. La bête étant ainsi la mémoire de la dernière poule, son augmentation suit le montant des jetons mis à la poule sur chaque coup. Un peu difficile à expliquer.
Ce lien de la bête aux mises des joueurs n’empêche pas que comme à la Bête Hombrée il y ait des paiements entre joueurs sur chaque coup, liés à la réussite ou à l'échec du contrat, mais à la Bête Hombrée seuls ces paiements génèrent la bête ce qui fait que les augmentations ne sont pas graduelles, alors qu'au jeu de l'Hombre ces paiements ne sont pas comptabilisés dans la bête.
Les matadors : je note que les matadors (de 3 à 5) doivent être annoncés pour compter dans les paiements. Ceci n'a pas lieu d'être au jeu de l'Hombre pour lequel leur paiement doit simplement être réclamé à la fin du coup. Ceci m'a rendu perplexe concernant le jeu de l'Hombre mais en lisant les règles du Quadrille (Hombre à quatre), il n'y a pas de doute, le meilleur enchérisseur pouvant avoir un partenaire, les matadors peuvent être répartis dans les deux mains et il ne saurait donc être possible de les annoncer.
Par contre, l'utilisation des nombreuses prétintailles optionnelles (hasards comme 4 rois en mains...) du jeu de l'hombre n'est pas explicitée et alors je pense que comme à la Bête Hombrée on devait en faire les annonces..
La règle transcrite par mon oncle Jean Ameye en1976
Texte original de Jean Ameye rédigé en août 1976.
NDLR : Suite aux échanges nombreux échanges sur la règle de la Bête Hombrée Berrichonne publiée dans le numéro 29 du journal Jeux et Stratégie et reproduit ci-dessus, je reproduit intégralement le texte original de mon oncle Jean Ameye, dernier dépositaire des règles familiales de la Bête Hombrée [Berrichonne], dont l’écrit a servi de base à la rédaction de l’article de J&S.
A la mémoire de ma mère,
de mon oncle G. Mazoux,
de ma tante M. Vachez
de mon Cousin P. Journaux,
dernier grand carré des mainteneurs de la Bête.
1. Préambule
La Bête Hombrée est un dérivé du jeu de l’Hombre importé d’Espagne au XVIIème siècle. Il semble qu’elle ait été couramment pratiquée en France dès le début du XVIIème siècle. Saint Simon en parle dans ses mémoires. Sa survivance ne s’est maintenue que dans quelques provinces, la Bourgogne et le Berry notamment ; le Whist et plus tard le Bridge l’avaient détrônée vers la fin du XIXème siècle. Cependant, avant la guerre de 1914, elle restait encore très en faveur dans la bourgeoisie berrichonne et dans certains cénacles d’ecclésiastiques. Toute réunion de famille ou d’amis se terminait alors obligatoirement par une partie de Bête [Hombrée].
Le cercle d’adeptes se restreignit notablement après la guerre de 14, principalement à partir des années folles. Depuis cette époque, je ne me souviens pas d’avoir vu jouer la Bête Hombrée ailleurs que dans notre famille. Je ne veux pas prétendre qu’il n’y ait pas eu d’autres ilots de survivance, mais sans doute y en eut-il peu. Dieu merci ! Chez nous, les traditions étaient suffisamment enracinées pour que ceux qui, encore enfants au lendemain de la guerre de 14, avaient alors vécu, sur une chaise basse, les parties acharnées de leurs parents dont ils tenaient la caisse de jetons multicolores, trouvent plaisir aux cours des vacances qui les réunissaient chaque année en septembre en Berry à s’assoir eux aussi, après dîner, autour d’une table de jeu pour cagnoter ou pour prendre le tout, en utilisant les expression colorées transmises par la génération précédente.
Quand les derniers représentants de celle-ci se furent éteints, il y a une dizaine d’années, le nombre de partenaires s’est considérablement trouvé restreint, d’autant mieux que, selon les dires des anciens, on ne pouvait jouer convenablement à la Bête que si on était de « de souche directe » et que, par conséquent, on avait omis d’initier les « rapportés ».
Hélas ! les quelques initiés privilégiés se sentent maintenant à l’âge qu’avaient leurs grands parents au moment de la guerre de 14 et constatent, non sans terreur, que la relève n’est plus assurée et que le jeu qui constituait l’une des pièces essentielle de leur folklore familial risque de sortir du domaine du désuet pour entrer dans celui du passé.
C’est la raison pour laquelle, je reprends au cette année, au cours de mes vacances berrichonnes, une résolution déjà ancienne, en précisant pour mes enfants, pour mes neveux et nièces et cousins, et en même temps pour tous ceux et celles qui ont la fibre berriaude, les règles du jeu de la Bête Hombrée.
2. Les joueurs et le matériel
2.1. Nombre de joueurs
Il est de 4, exceptionnellement de 5. Mais dans ce dernier cas, la partie jouée se ramène au jeu à 4, par alliance provisoire successive entre 2 joueurs voisins. Nous nous bornerons donc au jeu à 4.
2.2. Nombre de cartes
D’un jeu de 32 cartes on aura retiré les 7 et les 8. On en ôte également le 9 de la couleur dite la belle. Il reste donc 23 cartes
2.3. Hiérarchie des cartes et des couleurs
La hiérarchie des cartes est, par ordre décroissant : Roi, Dame, Valet, As, 10, 9.
Une couleur prime les autres en matière d’enchères. C’est la belle. Elle est initialement déterminée par tirage au sort (cf 2.7). Elle change ensuite éventuellement en cours de partie, par l’effet des matadores (cf 3.2).
Après les enchères, lorsqu’on joue le coup, l’atout fixé par le demandeur prime les autres couleurs, comme dans la plupart des jeux de cartes (Bridge, Manille, Belote, etc)
2.4. L’enjeu
La Bête Hombrée est un jeu d’argent. L’unité monétaire est affaire de circonstance et de convention. On jouait au sous en 1910, aux francs anciens en 1930. On peut jouer aux francs nouveaux en 1976, mais généralement, pour la facilité des échanges, la monnaie fiduciaire est constituée par des jetons. Pour faciliter l’exposer, nous parlerons ci-après en sous.
2.5. Le sens
On distribue les cartes, on joue et on enchérit dextrosus, c'est-à-dire, dans le sens trigonométrique ou inverse des aiguilles d’une montre.
2.6. Le commencement de la partie
Le premier jouer à faire la donne est désigné par l’opération dite « tirer le roi ». A cet effet, l’un quelconque des joueurs, plus diligent, en prenant soin de « brûler » la première carte retourne successivement les cartes du jeu devant chaque joueur en faisant le tour, jusqu’à ce que le premier roi apparaisse. Le joueur concerné est celui à qui incombe la première donne.
2.7. La belle
Ce même premier roi retourné détermine la couleur de la belle. Il s’en suit le retrait du jeu du 9 de cette couleur qui est mis en évidence, sous un cendrier par exemple, pour symboliser la couleur de la belle, en vigueur pour le début de la partie.
3. La partie
La partie comprend : la donne, les enchères, le choix de l’atout, le jeu, la sanction, éventuellement le changement de belle.
3.1. La donne
Chaque joueur en tournant, à commencer par celui qui a été désigné par le sort (cf 2.6), distribue les carte après les avoir battu le jeu et fait couper par son voisin de gauche. Deux cartes d’abord puis 3, ou vice versa. Il reste 3 cartes qu’il met à sa droite. C’est le cagnot.
3.2. Les enchères
Elles consistent à fixer le contrat, ou demande, c'est-à-dire le nombre de levées que s’engage à faire le plus disant. Chaque joueur, à commencer par celui placé à la droite du donneur, fait son annonce (ou passe éventuellement) qui peut aller de 2 à 5 levées, en enchérissant sur l’annonceur précédent. A nombre de levées donné, l’enchère faite en belle prime une enchère faite sans préjudice de couleur. Les points demandés en belle sont dits « derniers ».
Exceptionnellement une enchère peut être faite à niveau égal si l’annonceur se trouve placé avant l’annonceur précédent dans le tour de jeu. Les points demandés en une telle occurrence sont dits « premiers ».
Le donneur peut assortir sa demande de l’une des indications suivantes « je cagnote » ou « je prends le tout ».
L’auteur de l’enchère la plus élevée peut assortir celle-ci de l’indication : « n matadores », n étant égal à 3, 4 ou 5.
3.2.1. Cagnoter
Quand le donneur annonce « je cagnote », il prend ipso facto une enchère au moins immédiatement supérieure à celle de l’annonceur précédent. Si l’enchère lui reste, il a le droit d’écarter 3 cartes de son jeu et de prendre à la place, ensuite seulement, les 3 cartes du cagnot. Après avoir vu celles-ci, il précise son contrat, soit au minimum un point de plus que l’enchère précédente, ou le même nombre de point, si sa demande est faite en belle.
3.2.2. Prendre le tout
Le donneur qui annonce « je prends le tout » s’engage ipso facto à faire les 5 levées du jeu. Cela lui donne le droit de prendre les 3 cartes du cagnot et seulement après, d’écarter 3 cartes de son choix.
3.2.3. Les matadores
L’indication « n matadores » (le pluriel de matadore, n’est pas prononcé à l’espagnol « matadorès » mais « matadors ») indique la possession par l’annonceur de Roi, Dame, Valet (3), ou Roi, Dame, Valet, As (4) ou Roi, Dame, Valet, As, 10 (5) de la couleur choisie comme atout.
3.3. Le choix de l’atout
Le joueur qui a fait l’enchère la plus élevée a le choix de l’atout. Toutefois, lorsque l’enchère a été faite en belle, c’est évidemment celle-ci qui est l’atout.
3.4. Le jeu
L’auteur de la demande cherche bien entendu à réaliser son contrat, tandis que les autres sont ligués pour l’empêcher de faire sa demande.
3.4.1. L’attaque
Elle est faite par le joueur à droite du donneur, qui est dit premier à jouer. Puis, après chaque levée, c’est le joueur qui a fait la levée qui joue en premier.
3.4.2. La levée
Elle est faite par le joueur qui a mis la carte la plus élevée dans la couleur de l’attaque ou de la relance ou qui a coupé avec l’atout de plus haute valeur.
3.4.3. Les principes directeurs
Ils sont les suivants :
- Obligation de fournir à la couleur demandée par l’attaquant ou le relanceur, et de monter sur la plus forte carte déjà abattue ;
- Obligation de couper et de surcouper ;
- Obligation de pisser (fournir un atout plus faible) dans le cas où il est impossible de surcouper.
3.5. La sanction
Elle comprend deux aspects : la comptabilité des bêtes, le règlement.
3.5.1. Les bêtes
3.5.1.1. L’inscription
Le fait qu’un joueur ne fasse pas sa demande entraîne l’inscription à son nom d’une bête. On dit qu’il met une bête. Les bêtes sont inscrites dans l’ordre et au fur et à mesure qu’elles sont mises.
3.5.1.2. La radiation
Le fait qu’un joueur fasse sa demande entraîne l’annulation de la première bête restant inscrite au tableau.
3.5.1.3. Le montant
Si aucune bête ne figure au tableau, le montant de la première bête est égal à 4 fois le montant de la pénalité payé par le perdant à chacun des autres joueurs (cf 3.5.2.2). Si une ou plusieurs bêtes figurent au tableau, le montant de la nouvelle bête est déterminé en ajoutant la somme déterminée ci-dessus à la première des bêtes restant inscrites.
3.5.2. Le règlement
3.5.2.1. Contrat réalisé
On dit alors que le joueur a fait sa demande. Chacun des autres joueurs lui donne un nombre de sous égal au niveau de sa demande, éventuellement majoré du nombre de matadores annoncés. Toutefois, cette somme est doublée lorsque la demande est faite en belle. De même lorsque la demande est au niveau de 5 (cas de prendre le tout, par exemple), le gagnant reçoit 2x5 = 10 sous (20 en belle).
En outre, éventuellement, le gagnant se voit payer par celui des joueurs au nom duquel elle est inscrite la première bête figurant au tableau un nombre de sous égal au montant de la bête. Simultanément, celle-ci est rayée.
Dans le cas où la bête est au nom du joueur qui vient de faire sa demande, elle est purement et simplement rayée, sans donner lieu à règlement.
3.5.2.2. Contrat chuté
Le demandeur qui ne fait pas sa demande doit régler à chacun des joueurs un nombre de points déterminé comme en 3.5.2.1 ci-dessus, 1er alinéa. En outre, il marque une bête (cf 3.5.1.1).
3.5.2.3. Changement de belle
Lorsque le joueur fait sa demande après avoir annoncé des matadores, la belle change à la couleur de sa demande. Le 9 de cette couleur est retiré du jeu et le 9 de la précédente est réintégré.
4. Cas particuliers
4.1. Simple demande
C’est la demande minimum, donc 2. Si personne n’enchérit, le demandeur, pour faire sa demande, doit faire ses 2 levées, avant que l’un des autres joueurs ligués contre lui ne réalise 2 levées, et encore serait-il perdant si ayant fait ses 2 premières levées, il se trouve que les 3 autres levées soient faites par un seul et même joueur des 3 autres.
A contrario, si des adversaires du demandeur ont fait les 2 premières levées, il lui est encore possible de faire sa demande, s’il fait les 3 autres levées.
4.2. Demande sans préjudice
Le joueur placé à la droite du donneur, dit premier joueur, peut entamer la demande sans avoir regardé son jeu. Il dit alors « sans préjudice », ce qui équivaut à une simple demande, mais lui laisse la possibilité dans le cas ou nulle enchère n’intervient ensuite, de formuler sa demande à un niveau plus élevé après avoir vu son jeu, lorsque la parole lui revient.
4.3. Retenue
Dans les mêmes conditions le joueur placé en second après le donneur peut, après une demande sans préjudice formulée par son voisin de gauche, dire « je retiens » avant d’avoir lui non plus regardé son jeu. Ceci équivaut à une demande minimum de 2 en belle ou 3 dans une autre couleur, qui peut être également réajustée à un niveau supérieur si personne ne surenchérit.
4.4. Pinandèle
Si aucun des joueurs ne formule de demande, chacun met 2 sous sur le tapis et l’on inscrit sur le tableau de marque une pinandèle de 8 sous dans les mêmes conditions qu’une bête ordinaire. La pinandèle est ramassée par le premier joueur à gagner une bête. On monte sur la pinandèle comme on monte sur une autre bête (cf 3.5.2.1 in fine).
4.5. Fin de la partie
La fin de la partie intervient à la convenance des joueurs. Généralement, on admet qu’elle ne puisse avoir lieu avant que toutes les bêtes n’aient été rayées. S’il n’y a pas de bête restant inscrites, lorsque est prise la décision d’arrêter la partie, on fait un tour des gueux, c'est-à-dire que le premier joueur à avoir donné au début de la partie (cf 2.6), donnera encore une fois et que la donne s’arrêtera au joueur placé à sa gauche, à moins que des bêtes n’interviennent entre temps auquel cas on s’arrêtera après épuisement des bêtes.
Exceptionnellement, on peut reporter au lendemain les bêtes restantes, si la fin de la partie tarde trop.
5. Expressions folkloriques
La Bête Hombrée n’est pas un jeu savant. Elle n’implique pas une grande concentration, mais un bon sens du jeu de la carte et un certain gout du risque. Disons qu’elle ne convient ni au trop cartésiens, ni aux constipés. Sa couleur tient particulièrement aux expressions traditionnelles qui évoquent pour nous les chers disparus dans la bouche desquels nous les avons si fréquemment entendues.
Aussi nous paraît-il nécessaire de rappeler ici quelques unes d’entre elles.
- « La goule y ferme pas » : se dit d’un joueur qui participe constamment aux enchères ;
- « Un r’tournement c’est pire qu’un lav’ment » : se dit en revenant à une couleur déjà jouée, de façon à mettre le demandeur en surcoupe ;
- « une, deuss’, troiss’, à la mode du père Fifi. » : le père Fifi, autour des années 1880, époque où l’on prolongeait la vie des cartes, jusqu’à ce qu’elles aient cessé d’être glissante depuis belle lurette, ponctuait sa donne pénible en comptant à haute voix le nombre de carte ;
- « Trèfle, l’herbe à la vache », « Cœur la fleur, malade est qui en meurt » : expression accompagnant l’énoncé d’un atout ou une carte jouée ;
- « Y’aurait pus d’pain à la maison » : réflexion à haute voix, accompagnant une enchère, pour marquer la confiance que le demandeur met en son jeu ;
- « C’est pas les pus battus qui sont les pus contents » : se dit du donneur lorsque celui-ci met un temps exagéré à battre les cartes ;
- « paye, pésan ! » : exclamation marquant la satisfaction d’avoir fait sa demande ;
- « Aïe don, toué ! » : ponctue un coup audacieux ou péremptoire.
6. Quelques exemples d’enchères et de sanctions
On suppose dans tous les cas ci-après que le donneur est sud et que la belle est cœur.
6.1. Exemple n°1
| Nord Pique : Roi, 10, 9 Cœur : 10 Carreau Trèfle : 9 |
|
Ouest Pique Cœur Carreau : Roi, Valet, 10 Trèfle : Dame, Valet |
| Est Pique : Valet, As Cœur Carreau : As, 9 Trèfle : As |
| Sud Pique Cœur : Roi, As Carreau : Dame Trèfle : Roi, 10 |
Cagnot Pique : Dame Cœur : Dame, Valet Carreau Trèfle |
Enchères :
| Est | Nord | Ouest | Sud |
1er tour | Passe | 2 | 3 | Je cagnote |
2ème tour |
| Passe | Premier pour 4 | Je prends le tout
Après avoir pris le cagnot : |
Tableau des bêtes :
Est | 24 |
Sud | 40 |
Règlement :
Sud fait sa demande. Il reçoit 28 sous de Nord, 28 sous d’Ouest et 28 + 24 = 52 sous d’Est.
6.2. Exemple n°2
| Nord Pique : Valet Cœur Carreau : Dame, Valet Trèfle : Dame, Valet |
|
Ouest Pique : As Cœur : Dame, As, 10 Carreau Trèfle : Roi |
| Est Pique : Dame, 10 Cœur : Roi, valet Carreau Trèfle : As |
| Sud Pique : Roi, 9 Cœur Carreau : 10, 9 Trèfle : 9 |
Cagnot Pique : Cœur : Carreau : Roi, As Trèfle : 10 |
Enchères :
| Est | Nord | Ouest | Sud |
1er tour | Simple demande | Passe | 3 | Passe |
2ème tour | Premier pour 3 |
| Dernier pour 3 |
|
Tableau des bêtes :
Sud | 96 |
Nord | 120 |
Ouest | 108 |
Règlement :
Ouest ne fait pas sa demande. Il paye à chaque joueur 2x3 = 6 sous et il met une bête de 4 x 6 + 96 = 120 qu’il inscrit après sa bête précédente de 108.
Remarque : « dernier » = en belle.
6.3. Exemple n°3
| Nord Pique : Roi, Dame, Valet Cœur : Dame, Valet Carreau Trèfle |
|
Ouest Pique Cœur : R Carreau : Dame, valet Trèfle : Roi, As |
| Est Pique : As, 10 Cœur : As, 10 Carreau : 9 Trèfle |
| Sud Pique : 9 Cœur : Carreau : Roi, As, 10 Trèfle : Dame |
Cagnot Pique Cœur Carreau Trèfle : Valet, 10, 9 |
Enchères :
| Est | Nord | Ouest | Sud |
1er tour | Demande sans préjudice | Je retiens | 3 | Passe |
2ème tour | Passe | Après avoir regardé son jeu 4 à pique, 3 matadores |
|
|
Tableau des bêtes :
Nord | 76 |
Sud | 48 |
Sud | 60 |
Sud | 72 |
Règlement :
Nord fait sa demande. Il reçoit de chaque joueur 4+3 = 7 sous et il gagne sa bête que l’on barre.
Le mode de règlement
Le mode de règlement après chaque tour de jeu est très variable. Certains fonctionnent avec la constitution d’une poule au centre de la table alimentée par les joueurs (Bête, bBête Hombrée et Hombre). Dans d’autres jeux, il s’agit d’un règlement calculé après réalisation du contrat (Mouche, Bête Hombrée Berrichonne).
La bête, pénalité affligée au joueur qui n’a pas réalisé son contrat, est une notion commune à tous ces jeux même si ses modalités de calcul et de versement sont très différentes. La codille qui est le règlement d’un gain spécifique à celui qui a gagné la partie sans l’annoncer existe pour l’Hombre et la Bête Hombrée. A la Bête, ce gain n’est attribué que si le jouer a annoncé qu’il contrait le joueur qui voulait gagner ce tour de jeu. Le traitement est différent, mais les notions assez proche. Cette notion n’apparait pas à la Bête Hombrée Berrichonne, mais Philippe, le fils de mon oncle Jean, dit se rappeler cette pratique du temps où il voyait jouer ces grands parents. J’espère que la plongée dans les archives familiales permettra de clarifier ce point. Lorsqu’aucun joueur ne prend, un dispositif spécifique existe à l’Hombre et la Bête Hombrée Berrichonne : chaque joueur ajoute met 2 jetons au centre de la table. C’est ce que l’on appelle à la Bête Hombrée Berrichonne la « pinandèle ». Thierry Depaulis rapporte qu’à propos de ce curieux mot, il a trouvé cette définition dans Paul Martellière, Glossaire du Vendomois, Blois, 1893 Pinandelle (pi-nan-dèl'), sf Vieux rouillon, large et mince, jeton, monnaie hors de service (et le Vendomois est tout proche du Berry). D’après Philippe et Paul, « pinandelle » est alors peut-être a rapprocher de pinatelle, mot qui se trouve dans le dictionnaire Français-Anglais de Cotgrave, 1611 : « a copper coyne having some small quantitie of silver in it and worth about five liards. » (une pièce de monnaie en cuivre contenant une petite quantité d'argent et valant environ 5 liards). Philippe ajoute que cette petite monnaie avait une origine provençale. Elle semble tirer son appellation du nom d'un Italien, qui sous Henri II fut chargé de refondre des monnaies déclassées et en aurait tiré de gros profit, probablement en y mêlant du cuivre. Pinandèle ou Pinandelle serait alors une déformation de pinatelle ?... Le Berry est situé à la frontière entre la langue d'oc et la langue d'oïl.
En complément, on peut aussi décrire la résolution des contrats dans les cas correspondant à une simple demande à la Bête Hombrée Berrichonne. Dans ces cas, le joueur remporte la donne s’il gagne les 2 premières levées et qu’un joueur ne gagne pas les 3 dernières ou s’il remporte les 3 dernières levées lorsqu’un joueur a gagné les 2 premières.
Par contre, l'utilisation des nombreuses prétintailles optionnelles (hasards comme 4 rois en mains...) du jeu de l'hombre n'est pas explicitée dans la règle de la Bête Hombrée Berrichonne. Mais comme le supposait Philippe, il semble qu’elles étaient intégrées dans certaines versions du jeu de Bête Hombrée comme l’atteste Cathie Lorge dans son article.
Les modalités de fin de partie
Les modalités de fin de partie décrites pour l’Hombre et la Bête Hombrée Berrichonne sont assez similaires : il consiste à faire un dernier tour de jeu, lorsque toutes les bêtes ont été effacées. Le nom porté est différent « tour des geux » pour la Bête Hombrée Berrichonnee et « jouer les tours » pour l’Hombre mais le principe est identique.
Conclusion
En conclusion, la Bête Hombrée Berrichonne est bien une cousine de la Bête Hombrée. Ces 2 jeux sont bien à la confluence de la famille des jeux de la bête et de la Triomphe d’une part dont l’influence est certainement prépondérante et du jeu de l’Hombre auxquels elle fait quelques emprunts que l’on peut qualifier de mineur par rapport à l’ensemble des règles de jeu. Je ne peux donc que rejoindre Philippe qui écrivait à la lecture des règles d’origine que : La Bête, c'est quasiment la Triomphe + la nécessité d'un joueur s'engageant contre les autres (mais sans enchères) + le principe de la bête (dette du perdant). La Bête Hombrée, c'est en majeure partie la Bête + engagement d'un joueur par un système d'enchères sur contrats (style de l'Hombre) + le paiement des "matadors" (inspiration de l'Hombre). La Bête Hombrée Berrichonne, c'est la Bête Hombrée + la couleur favorite (inspiration du Médiateur) + un système de contrats (semblable au Bridge).
Bête Hombrée Berrichonne, quelques considérations complémentaires
Dans le cadre de mes recherches sur la Bête Hombrée Berrichonne, je suis rentré en contact avec plusieurs gestionnaires de sites internet consacrés aux jeux de carte anciens.
Sur parlons jeux, Philippe Lalane commente la réponse de John Mc Leod et nous donne son point de vue : John Mc Leod écrit : "When you look at 18th and 19th century game books, it appears as though Bete Hombree had a standard set of rules, but that is probably an illusion created by the fact that a single description was copied or adapted from one Academie Universelle edition to the next without further research into how the game was actually being played."... En fait pas vraiment, d'une part la règle de bête hombrée n'a jamais fait partie de celles de l'Académie universelle des jeux, d'autre part, il existe bien plusieurs règles de la Bête Hombrée, plus ou moins complexes, dans différents ouvrages du XIXe siècle. Ces règles sont très proches de celles que vous utilisez.
Pour illustrer son propos, il donne 2 règles de la bête hombrée accessible sur Galica :
1. Code et académie des jeux, 1849, Epinal, nouvelle édition (page 73)
2. Boussac, Jean. Encyclopédie des jeux de cartes, 1896, Paris (page 131)
Mise en scène d’une partie de Bête Hombrée Berrichonne
La Partie de Bête hombrée
Jean Ameye, 15 août 1987
NDLR : mon oncle Jean Ameye, dernier dépositaire des règles familiales de la Bête Hombrée, écrivait aussi des petites pièces de théâtre pour ses neveux et nièces ou pour célébrer des anniversaires. Voici des extraits d’un tableau créé pour ses 50 ans de mariage et qui se passe au cours d’une partie de bête hombrée.
Personnages
Alexandre Ameye (Oncle Alexandre, frère de François)
François Ameye (grand père de mon oncle Jean auteur du texte)
Tante Elisa épouse d’Alexandre
Arthur Journaux grand oncle de Jean auteur du texte
Tante Edmond Blanchet sœur de François et Alexandre Ameye
En 1902, chez l’Oncle Alexandre,
la traditionnellepartie de Bête hombrée après le déjeuner.
TANTE ELISA : Alors Alexandre ! Qu’est ce que vous allez faire maintenant, vous les hommes ?
ALEXANDRE AMEYE : Quelle question ! Notre partie de Bête hombrée, parbleu !
[…]
FRANÇOIS AMEYE : Alors, mon petit frère, on l’attaque c’te bête.
[…]
ALEXANDRE AMEYE : aux cartes citoyens. Tu as fait le roi François. Si je comprends bien, c’est à toit de faire, louise, et c’est cœur couleur de belle.
TOUS : Cœur, la fleur malade est qui en meurt.
Disposition de la table de Bête hombrée
| Arthur Journaux
|
|
Alexandre Ameye |
|
Tante Edmond |
|
François Ameye |
|
FRANÇOIS AMEYE : Otez le neuf de cœur.
[…]
FRANÇOIS AMEYE : je vous signale qu’il nous reste de la dernière fois 2 petites bêtes. La première est d’Arthur et elle vaut 128 sous.
ARTHUR JOURNAUX : […]. Cela ne m’empêche pas de faire une petite demande [ndlr : il s’agit d’une variation autour de la « simple demande »].
ALEXANDRE AMEYE : Je passe.
FRANÇOIS AMEYE : moi, je demande trois.
TANTE EDMONT : et moi, je cagnote.
FRANÇAIS AMEYE : je suis mal placé avec cette mère cagnot à ma droite. La goule y ferme pas. Eh ben ! Cagnote donc.
ARTHUR JOURNAUX : j’ai encore droit d’être premier pour 4.
TANTE EDMOND : monsieur Arthur, ne vous gênez pas.
ARTHUR JOURNAUX : non je passe ; à vous madame Edmond.
TANTE EDMOND : (écartant 3 cartes et prenant à la suite les 3 cartes du cagnot) Une qu’en veut, deux qu’en veut pas, oh ! Trois qu’en veut. (un silence) Ce sera quatre à pique et j’annonce 3 matadores.
ALEXANDRE AMEYE : joue bien Arthur.
ARTHUR JOURNAUX : voyons un peu ce petit trèfle.
FRANÇOIS AMEYE : C’est pas ce qu’il fallait jouer. C’était cœur, dans la belle.
TANTE EDMOND : bien entendu, je coupe avec mon Valet. Je joue Roi, Dame, timbez donc. Et passe mon Roi de Cœur. Cela fera 7 sous pour chacun et… combien tu as dit, François ?
FRANÇOIS AMEYE : 128 en plus pour Arthur.
[…]
TANTE EDMOND : […] C’est à vous de faire, monsieur Arthur.
[…]
ALEXANDRE AMEYE : Quelle est la bête maintenant, François ?
FRANÇOIS AMEYE : c’est encore Arthur ; Arthur 140.
[…]
ALEXANDRE AMEYE : je demande sans préjudice.
FRANÇOIS AMEYE : et moi je retiens. Et toi, la mère cagnot ?
TANTE EDMOND : pour moi ce sera 4. Et vous monsieur Arthur ?
ARTHUR JOURNAUX : y’aurait pus d’pain à la maison. Je prends le tout… 9a s’ra 5 à trèfle, mes amis.
ALEXANDRE AMEYE : pardon, Arthur, j’avais encore le droit de parler, j’ai demandé sans préjudice.
FRANÇOIS AMEYE : et moi j’ai retenu.
ARTHUR JOURNAUX : eh bien ! Soyez donc premier pour cinq, si ça vous dit, mais ça m’étonnerait.
ALEXANDRE AMEYE et FRANÇOIS AMEYE : Vas-y donc Arthur.
ARTHUR JOURNAUX : à toi de jouer Alexandre.
ALEXANDRE AMEYE : je joue pique dans la belle. Pique, Denis, la vache enrage.
TANTE EDMOND : et moi, je coupe.
ARTHUR JOURNAUX : ah, les bougres ; ils se sont encore mis d’accord pour ma perte. C’est mon Roi.
[…]











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